Cartographier les endroits cruciaux pour la nature

Notre planète fait face à un avenir incertain. La crise de l’extinction, les changements climatiques et la constante augmentation de l’empreinte humaine contribuent à réduire la diversité biologique et l’intégrité des écosystèmes. Des pays du monde entier ont reconnu qu’il faut faire davantage pour protéger la biodiversité. La cartographie et la description des zones essentielles à la survie des populations d’espèces sauvages et des écosystèmes constituent une première étape importante.

Les zones clés pour la biodiversité (KBA) sont des sites qui contribuent à la persistance de la biodiversité à l’échelle nationale et mondiale. Présentes dans les milieux terrestres, les eaux douces et les milieux marins, les KBA sont des zones où l’on trouve des espèces et des écosystèmes rares et menacés, et où se déroulent des processus naturels clés. Variant beaucoup en taille, elles peuvent être de petites parcelles d’habitat ou de vastes étendues de terre ou d’eau. Les KBA sont désignées en fonction de critères précis et mesurables. La désignation d’un site n’impose pas une prescription de gestion particulière ni ne confère de statut juridique. Les KBA peuvent englober des terres privées ou publiques, chevauchant parfois, partiellement ou entièrement, des sites protégés par la loi.

L’initiative sur les KBA s’efforce de veiller à ce que les sites soient correctement désignés, à ce que leur valeur soit bien documentée et gérée efficacement, et à ce qu’ils soient adéquatement protégés et disposent des ressources appropriées. 

Critères et processus d’identification

Par l’entremise du Groupe de travail de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) sur la biodiversité et les aires protégées, les pays et les organismes de conservation se sont réunis pour créer un nouveau système (site en anglais seulement) de désignation de ces zones. Ce système a été décrit dans le document intitulé Standard national pour l’identification des zones clés pour la biodiversité (le standard mondial) de l’UICN et adopté en 2016. Il s’agit d’un système fondé sur de solides critères scientifiques qui peut être utilisé pour l’ensemble des espèces et des écosystèmes, en combinant et en simplifiant les nombreux outils et approches auxquels on a eu recours par le passé pour accorder la priorité aux différents éléments de la biodiversité (p. ex. zones clés pour la conservation des oiseaux et la biodiversité).

 

Le Standard national pour l’identification des zones clés pour la biodiversité au Canada a été publié en 2021 au Canada afin de permettre la désignation des sites essentiels à la conservation de la biodiversité à l’échelle nationale. Des sites d’importance mondiale et nationale sont maintenant désignés partout au pays. Les nombreuses zones désignées comme KBA au Canada témoignent de la richesse, de la diversité et de l’intégrité souvent sous-estimées de la biodiversité et des paysages canadiens.

 

Les KBA possèdent des caractéristiques qui les rendent importantes pour le maintien des espèces et des écosystèmes. Elles sont désignées en fonction des cinq critères suivants : 

  • biodiversité menacée (espèces ou écosystèmes);
  • biodiversité rare (p. ex. espèces et écosystèmes géographiquement restreints);
  • intégrité écologique des systèmes plus vastes;
  • processus biologiques (p. ex. halte migratoire ou sites d’hibernation);
  • irremplaçabilité selon des critères quantitatifs.

Les critères scientifiques et mesurables des KBA en font un outil fiable pour la conservation, même si les KBA n’englobent pas toutes les valeurs importantes pour veiller à celle-ci. Les KBA ajoutent aux renseignements sur les valeurs bioculturelles, les refuges climatiques, les services écosystémiques et la connectivité du paysage sur les sites, en plus de pouvoir soutenir d’autres démarches de conservation propres aux espèces et à l’échelle du paysage. Pour lire un résumé technique détaillé des critères des KBA, cliquez ici.

Avancée du projet au Canada

Le Canada fait partie des premiers pays à posséder l’un des programmes nationaux complets permettant de désigner des KBA et a été le premier à adapter le standard mondial à un contexte national. En 2019, l’initiative canadienne sur les KBA a été lancée dans le cadre du processus En route vers l’objectif 1 du Canada, conçu pour aider le Canada à atteindre les cibles relatives aux aires protégées et d’autres cibles convenues dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. Cette initiative était le point de départ des travaux visant à désigner, à définir et à évaluer les KBA à l’échelle du pays. Ces travaux sont dirigés par la Coalition KBA canadienne, une initiative de collaboration à laquelle prennent part des organisations non gouvernementales, des gouvernements, des partenaires autochtones, des établissements universitaires, des experts et des détenteurs du savoir qui participent aux travaux de désignation, de délimitation et d’évaluation des KBA. Le Secrétariat canadien des KBA est responsable de la coordination de l’élaboration des propositions de KBA. Un Comité de gestion doit quant à lui pour sa part accepter ces propositions à l’échelle nationale.

Les KBA peuvent être utilisées pour faire progresser ou soutenir divers objectifs de conservation (site en anglais seulement). La désignation des KBA ne mène pas automatiquement à des exigences officielles en matière de protection ou de gestion et n’a aucune incidence sur l’accès aux terres, mais il est important de savoir où se trouvent ces sites cruciaux. Cette information peut contribuer à de nombreux processus. Par exemple, les données sur les KBA sont utilisées pour éclairer la planification des aires protégées dans le contexte de l’atteinte de l’objectif du Canada de protéger 30 % des terres et des océans d’ici 2030. Pour ce faire, le Canada doit s’assurer que les zones importantes pour la biodiversité sont prises en compte pour la protection ou d’autres formes d’intendance. Les KBA peuvent être utilisées dans d’autres plans de conservation pour veiller à ce que les efforts de conservation et les acquisitions de terres soient axés sur les endroits qui comptent le plus. D’autres utilisations possibles pourraient comprendre la reconnaissance et la célébration des efforts d’intendance déjà consentis ou en cours, l’accès au financement pour l’intendance, l’utilisation de l’information pour veiller à ce que toute menace pour un site soit gérée, et la mise en évidence des possibilités de surveillance des espèces et des écosystèmes et de communication à leur sujet.

Les ZICO comme fondement des KBA

Les zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO) sont des sites désignés pour de grands groupes d’oiseaux ou pour des espèces en péril. Le programme des ZICO est une initiative mondiale de conservation lancée par BirdLife International, qui a des partenaires dans presque tous les pays. Les ZICO ont été importantes pour mobiliser les intendants par l’entremise du réseau de gardiens, créer des réserves de conservation et orienter les décisions relatives à l’utilisation des terres. L’investissement considérable qui a déjà été fait dans les ZICO et la similitude des critères font de ces dernières une base incontestable pour désigner les KBA au Canada et dans le monde.

À la fin des années 1990, Oiseaux Canada a mené un processus exhaustif pour désigner des ZICO, ce qui a permis de désigner près de 600 sites au Canada. Ces sites abritent d’importantes populations d’oiseaux dans les zones côtières, les terres humides, les prairies, les forêts et les milieux secs. À l’instar des KBA, la désignation des ZICO repose sur des critères convenus à l’échelle internationale, normalisés, quantitatifs et défendables sur le plan scientifique.

Oiseaux Canada a entrepris une analyse pour évaluer les ZICO existantes par rapport au standard. Dans le contexte des KBA, ces sites continueront d’être reconnus pour l’importance qu’ils revêtent pour les oiseaux ainsi que pour un plus large éventail de valeurs exceptionnelles en ce qui a trait aux écosystèmes et à la biodiversité. La désignation d’autres espèces et écosystèmes nous permettra de mieux comprendre la valeur écologique de chaque site et de confirmer ce que nous savons déjà : les ZICO ont des effets bénéfiques non seulement sur les oiseaux, mais sur toute la biodiversité également.

En plus des ZICO, les KBA s’appuient sur l’expérience d’autres efforts visant à désigner des zones importantes pour la biodiversité, comme les sites de l’Alliance for Zero Extinction, les zones importantes pour les plantes et les zones importantes pour les amphibiens et les reptiles, qui existent déjà au Canada. Tous ces sites qui satisfont aux critères des KBA seront ajoutés au réseau de ces dernières.